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Interview de Laurent AMICE : Un engagement professionnel, une constante : valoriser le capital humain par le développement de compétences durables

Monsieur Amice Berranger, pourriez-vous partager ce qui vous a incité à vous spécialiser dans le domaine de l'Executive Education ? Y a-t-il eu un moment décisif dans votre carrière qui a orienté ce choix ?

Contribuer à valoriser le capital humain en participant au développement des compétences a toujours été la colonne vertébrale de mon engagement professionnel depuis mon premier poste occupé au sein de l'Aftral (ex AFT.Iftim) en 1992. Je n'ai eu de cesse ensuite d'explorer de nouveaux "territoires" de développement des compétences, en m'ouvrant sur d'autres secteurs - ce fut le cas à l'Afpa qui couvre plus de 300 métiers - et d'autres publics. C'est ce qui m'a conduit à intégrer ESCP business school quelques années plus tard - en 2012 - pour m'intéresser à la formation des cadres et dirigeants, en d'autres termes l'Executive Education.
Le moment décisif qui a orienté mon choix de carrière a été la proposition de service que j'avais faite auprès du chef du département "Techniques de commercialisation" de l'IUT Tours, pour y être chargé d'enseignement, 3 ans après en avoir été moi-même diplômé. Cette appétence pour l'enseignement et la formation ne m'a dès lors jamais quitté.

À votre avis, quels sont les plus grands défis auxquels fait face l'Executive Education actuelle, et comment Mines Paris - PSL Executive Education adapte-t-elle ses programmes pour répondre à ces défis ?

Dans une chronique publiée il y a un peu plus de 2 ans dans le Journal du Net, j'avais parlé d'une nouvelle "alchimie" de la formation des cadres et dirigeants, sous cette formule "I3H2" : I3 pour immersion, inspiration et impact, et H2 pour hybridation des parcours entre mutimodalités et pluridisciplinarité. Je reste convaincu du fait que, pour que la formation soit un facteur d’engagement des managers et décideurs, encore faut-il qu’elle soit alignée sur les attentes que ces derniers expriment désormais vis-à-vis de leur entreprise - dans un contexte de modification réelle de la relation au travail et à l'entreprise - à savoir que la formation leur permette de vivre une expérience, de porter des changements visibles au sein de leur organisation et de donner ainsi plus de sens à leur travail. Du côté des entreprises. Ce que j'ai observé depuis est le fait que la formation en présentiel n'a pas disparu au seul bénéfice des parcours en digital learning, qui plus est lorsque la formation s'adresse à des C-levels ou talents. L'enjeu pour les entreprises est plutôt de rechercher un équilibre qui offre le meilleur des mondes, entre le présentiel et le distanciel. Autre enjeu qui est de plus en plus exprimé par les entreprises : celui de l'impact de la formation sur celles et ceux qui en bénéficient, qui n'est pas toujours le plus simple à valoriser mais qui est indispensable pour nourrir le dialogue budgétaire entre les RH et les financiers...

Vous avez considérablement augmenté le chiffre d'affaires de l'Université de Technologie de Troyes. Quels aspects de cette expérience appliquez-vous actuellement à votre rôle chez Mines Paris - PSL Executive Education ?

Que ce soit à l'UTT ou à Mines Paris - PSL Executive Education, mon action s'est inscrite dans une démarche intrapreneuriale, dans des cadres distincts, celui d'un service de formation continue intégré à l'Université (pour l'UTT), celui d'une filiale de droit privé pour Mines Paris - PSL, en l'occurrence une SAS dont le seul associé est l'école supérieure des mines de Paris. Pour autant, l'un des facteurs clés de succès pour y développer la formation continue, inexistante dans les deux cas à ma prise de fonction a été le même : mettre le client - qu'il s'agisse de l'individu bénéficiaire ou l'entreprise - au cœur de la stratégie et de l'action. Tel qu'exprimé, cela peut sembler être d'une grande banalité, mais s'exprime dans la stratégie et le quotidien de l'action de manière très diverse : segmentation fine des emplois entre ceux du front office (relation client, marketing) et ceux du back office (administration de la formation, facturation), agilité dans la détection des signaux faibles et des tendances du marché, réponse systématique à toute demande d'un individu ou d'une entreprise et capacités fortes d'exécution : souvent, les différences se font sur la capacité à délivrer dans les délais et selon les standards de qualité du client.

Pour ceux qui ne connaissent pas bien l'Executive Education, comment décririez-vous la valeur ajoutée de vos programmes par rapport à l'éducation traditionnelle ?

Je n'opposerai pas les deux en termes de valeur ajoutée. Ayant démarré ma carrière dans l'organisme de formation de référence des branches du transport et la logistique - l'Aftral - puis ensuite à l'Afpa, j'ai pu constater à chaque fois la valeur ajoutée qu'apportait la formation à celles et ceux qui en bénéficiaient en termes de développement de compétences et de reconnaissance, qu'il s'agisse de conducteurs routiers, de commis de cuisine ou d'assistant(e)s de vie. Mes plus beaux souvenirs restent ceux d'un championnat de France de conducteurs d'autocars de tourisme que j'avais organisé lorsque j'étais à l'Aftral, avec la fierté pour les conducteurs lauréat de se voir décerner leur prix par Dominique Bussereau, ministre des transports de l'époque, ou encore la remise de diplômes d'agents de restauration et de commis de cuisine obtenus par la voie de la VAE par des collaborateurs du Groupe Elior - pour beaucoup issus de l'immigration et pour qui ce diplôme était le premier diplôme obtenu. Dans le cadre de l'Executive Education, ce sont bien entendu d'autres publics que nous adressons - les cadres, managers et dirigeants - mais avec la même ambition : qu'ils vivent une expérience apprenante dont ils se souviendront positivement, et que, au risque de me répéter, la formation produise de l'impact, au-delà du seul développement des compétences. Et avec la fierté d'avoir franchi le fronton de l'école sur lequel figure "Ecole supérieure des mines".

Étant un ardent défenseur de l'intégration européenne, comment intégrez-vous cette perspective dans les programmes d'Executive Education que vous dirigez ?

Le plan de relance adopté par les 27 Etats membres de l’Union au sortir de la crise Covid en juillet 2020, d’un montant global de 750 milliards d’euros, a affiché des objectifs ambitieux en matière de transition écologique et énergétique : le scénario arrêté est celui d’une neutralité carbone en Europe en 2050, avec la disparition des émissions nettes de CO2 à cette date. Notre objectif est de nous inscrire dans cette feuille de route en accompagnant les entreprises dans cette voie au travers des nombreux programmes que nous proposons dans le champ de la transition durable, qu'il s'agisse notamment de l'Accélérateur PME Décarbonation que nous opérons pour le compte de Bpifrance et l'Ademe depuis 2021, notre Certificat "Economie circulaire" ou encore notre Certificat "RSE des entreprises de santé". Cette même objectif nous a guidé l'an passé en organisant des formations sur la CSRD, pour permettre aux entreprises de répondre aux exigences de reporting fixées par le cadre européen et repris au niveau national.

Comment envisagez-vous l'évolution future de l'Executive Education face à la digitalisation croissante et à l'émergence des nouvelles technologies dans le secteur de l'éducation ?

L’accélération des technologies et usages numériques, amplifiée par la crise COVID-19 depuis 5 ans, a indiscutablement entraîné une inflexion des modèles pédagogiques au bénéfice du digital learning.
Pour autant, la formation en présentiel n'a pas disparu pour autant, en particulier dans le domaine de l'Executive Education, car elle présente des avantages dont ne peuvent se prévaloir les formations en distanciel. En dépit de la qualité technique et des fonctionnalités des différentes plateformes de digital learning, les formations en distanciel ne peuvent garantir le même niveau d’interactions avec les intervenants et entre les participants, les échanges entre participants constituant un véritable levier pour l’apprentissage entre pairs (« peer to peer »). Les échanges formels mais aussi et surtout informels – durant les pauses, déjeuners ou à l’occasion encore d’activités afterwork – qu’autorisent les formations en présentiel apportent un autre bénéfice pour les cadres et dirigeants y participant, à savoir celui de développer leur réseau par la rencontre d’autres professionnels.
Est-ce à dire que le distanciel n’aurait pas sa place dans un parcours en présentiel ? Certainement non. La mise à disposition de ressources pédagogiques en ligne, intégrées et non pas juxtaposées dans une progression pédagogique, a tout son sens dès lors qu’il s’agit de se remettre à niveau sur des connaissances de base (par exemple la programmation dans le cadre de parcours consacrés à la data science) ou de développer des compétences techniques pour lesquelles l’auto-apprentissage suffit (droit, réglementation…).

Pensez-vous qu'il existe un lien entre votre approche stratégique de la formation continue et votre réflexion sur le développement commercial ? Pourriez-vous expliquer comment ces deux aspects sont liés dans votre travail quotidien ?

Le premier postulat à prendre en compte est de considérer que la formation continue est un marché et que celui de l'Executive Education est très concurrentiel, avec des acteurs qui y sont positionnés plus ou moins de longue date : les business schools, de grands établissements comme Sciences Po ou l'Université de Paris Dauphine, les écoles d'ingénieurs plus récemment... mais aussi des organismes de formation qui se spécialisent sur des niches de marché (IA, écoconception...). Mines Paris - PSL Executive Education ayant été la dernière parmi les grandes écoles à se positionner résolument sur le marché de l'Executive Education, la seule stratégie qui avait sens pour moi était celle de la différentiation en termes d'offre et plus globalement de proposition de valeur, en prenant appui sur l'ensemble des actifs de l'école des mines de Paris : la force de la marque portée par l'excellence académique, l'emplacement de l'école au cœur de Paris avec son site chargé d'histoire, ainsi que d'autres actifs moins connus que sont son musée de minéralogie (qui a eu droit récemment à un article du New York Times) et sa bibliothèque. Nous avons par ailleurs encore la chance d'être petit au sein de Mines Paris - PSL Executive Education... donc d'être très agile. Par rapport à d'autres, ce peut être un avantage distinctif en termes de développement commercial...

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